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Les fautes du français

Le français et ses fautes

par Véronique Izambard

Selon  un sondage Ipsos conduit en 2021 pour le Projet Voltaire, trois employeurs sur quatre jugent rédhibitoires les difficultés à l’écrit de leurs salariés, quatre sur cinq ne les tolèrent pas à l’oral, ou sur les CV. 76 % des employeurs en France sont confrontés quotidiennement aux lacunes en orthographe et en expression de leurs équipes.

C’est l’un des chiffres clés de ce sondage, mené auprès de 2 500 recruteurs.  Les employeurs s’en inquiètent. 86 % d’entre eux estiment en effet que la maîtrise de la langue française est une compétence prioritaire qui supplante même la maîtrise de l’anglais. Compétence prioritaire pour le salarié car déterminante pour son évolution dans l’entreprise. Mais aussi prioritaire pour l’image de l’entreprise vis-à-vis de l’extérieur.

Il est pourtant très difficile de mettre en place une formation de français pour un salarié, tant il est vrai que ce type d’intervention demeure vexant pour celui ou celle qui doit avouer son incapacité à rédiger correctement. La connexion est faite très rapidement entre son niveau de français et ses capacités intellectuelles. Cependant, il me semble que, pour autant, déplorer cette baisse de niveau ne contribue pas à stigmatiser ceux qui rencontrent des difficultés avec l’orthographe : ceux qui commettent des fautes de français seraient issus de milieux défavorisés ou populaires. Ceci est faux.  

Comme toujours, il est nécessaire de faire un peu d’histoire !

Au-delà des continuelles modifications orthographiques qui ont eu lieu depuis le 8ème siècle, c’est l’école qui a institutionnalisé l’enseignement du français, et par conséquent l’orthographe à transmettre. En devenant une matière scolaire, le français s’est uniformisé et les manuels scolaires font autorité. En définitive, le français devient aussi un moyen de cohésion nationale (apprentissage de la langue nationale, d’un ensemble de concepts citoyens et moraux) ainsi qu’un moyen d’élévation ou d’intégration sociale pour une partie de la population, essentiellement aux 19ème et 20ème siècles. Puis la situation s’est normalisée et les élèves ont eu depuis des niveaux très hétérogènes en français, selon leur appétence à la lecture, leur intérêt pour la grammaire et l’orthographe, leur préférence pour les matières scientifiques aussi.

C’est l’école elle-même, notamment en 1976 avec l’arrêté Haby qui va définir les tolérances orthographiques petit à petit. Pendant quasiment un siècle, on va se désintéresser de l’orthographe lexicale (1901-1990) pour se concentrer sur la grammaire et prendre en compte la seule l’orthographe grammaticale (accord du verbe, du participe passé, etc.). L’enseignement de l’orthographe grammaticale va également évoluer au fil du temps (moins de dictées ou d’exercices de grammaire).

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Initiées en 1990, les corrections orthographiques sont mises en place réellement depuis 2016, mais pas de façon obligatoire, ce qui fait que de nombreux enseignants ont choisi de ne pas en tenir compte. L’accent circonflexe par exemple, le « chapeau » ne sera plus obligatoire sur les lettres i et u, sauf quand il marque une terminaison verbale, ou quand il apporte une distinction de sens. « Mûr » conservera par exemple son accent pour ne pas le confondre avec « mur ». « Chauvesouris », « millepatte », « portemonnaie », ou « weekend » pourront s’écrire en un seul mot. Les sages ont aussi voulu simplifier des tournures orthographiques peu intuitives (« ognon » au lieu d’« oignon », «nénufar» plutôt que «nénuphar») et corriger certaines anomalies ou rendre cohérents des mots d’une même famille (comme «souffler» et «boursoufler», ce dernier pouvant prendre deux «f»). Au total, 2 400 mots ont subi un lifting, soit environ 4% du lexique de la langue française.

Les modifications ne s’appliquent qu’aux ouvrages scolaires et à l’orthographe lexicale. L’orthographe grammaticale est conservée, sauf pour quelques changements ponctuels (« laisser » suivi d’un verbe à l’infinitif ne s’accorde plus).

Quand on voit la lenteur et la prudence dans les propositions de modification, on ne peut pas dire que la langue française soit menacée. Et on ne peut pas non plus parler de nivellement par le bas, sachant que l’orthographe grammaticale, le nerf de la guerre, celle qui donne toute sa cohérence à un écrit, celle qui montre qu’on comprend ce qu’on conçoit, celle qui effectivement, est déterminante pour être compris, celle-ci est toujours enseignée. Elle fait depuis toujours l’objet de rejet ou non par les élèves, d’autant plus pénalisée qu’on continue à considérer les matières scientifiques comme prioritaires.

Car le français est une langue hautement grammaticale, et comprendre cela est déterminant. Si on accepte de jouer avec la structure de la langue, si on enregistre les tenants et les aboutissants de ses constructions, de ses logiques, alors on élimine les fameuses « fautes » et on utilise la langue dans toutes ses nuances réjouissantes. Et ceci n’est pas lié à une classe sociale, c’est simplement comme le calcul ou l’histoire le résultat d’un enseignement, d’une curiosité et d’un enthousiasme que l’école devrait savoir susciter.

Mise à jour novembre 2023